Comme par miracle, Jacques Prévert

Comme par miracle
Des oranges aux branches d’un oranger
Comme par miracle
Un homme s’avance
Mettant comme par miracle
Un pied devant l’autre pour marcher
Comme par miracle
Une maison de pierre blanche
Derrière lui sur la terre est posée
Comme par miracle
L’homme s’arrête au pied de l’oranger
Cueille une orange l’épluche et la mange
Jette la peau au loin et crache les pépins
Apaisant comme par miracle
Sa grande soif du matin
Comme par miracle
L’homme sourit
Regardant le soleil qui se lève
Et qui luit
Comme par miracle
Et l’homme ébloui rentre chez lui
Et retrouve comme par miracle
Sa femme endormie
Emerveillé
De la voir si jeune si belle
Et comme par miracle
Nue dans le soleil
Il la regarde
Et comme par miracle elle se réveille
Et lui sourit

Comme par miracle il la caresse
Et comme par miracle elle se laisse caresser
Alors comme par miracle
Des oiseaux de passage passent
Qui passent comme cela
Comme par miracle
Des oiseaux de passsage qui s’en vont vers la mer
Volant très haut
Au-dessus de la maison de pierre
Où l’homme et la femme
Comme par miracle
Font l’amour
Des oiseaux de passage au-dessus du jardin
Où comme par miracle l’oranger berce ses oranges
Dans le vent du matin
Jetant comme par miracle son ombre sur la route
Sur la route où un prêtre s’avance
Le nez dans son bréviaire le bréviaire dans les mains
Et le prêtre marchant sur la pelure d’orange jetée par l’homme au loin
Glisse et tombe
Comme un prêtre qui glisse sur une pelure d’orange et qui tombe sur une route un beau matin

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